Le billet Avignon 2013 (6 au 31 juillet) de l’Atelier du Verbe
Après une première semaine intensive de plongée dans le off du festival, voici, chemin faisant, les découvertes (une douzaine de spectacles)
que nous avons envie de vous faire partager, tout en les recommandant particulièrement à ceux qui seront sur place pour cette dernière semaine.
Ce sont nos propres commentaires reliés aux présentations des pièces, comportant résumés, photos, teezer, et coordonnées de leurs théâtres.
Danièle Léon, le 24 juillet
Alphonse est la première pièce de Wajdi Mouhawad, écrite sous la forme d’un conte dramatique : une révélation en concentré de sa recherche du « profond de l’humain» qu’il déclinera ensuite dans son œuvre. Corinne Méric interprète admirablement ce conte en se coulant dans les différents personnages, servie par une scénographie très inventive, qui nous plonge dans un rêve où cohabitent des êtres réels et imaginaires… pas forcément moins réels mais en tous cas visibles et audibles seulement pour ceux qui savent ouvrir les replis du cœur, comme Alphonse qui un soir n’est pas rentré de l’école… La conclusion est de toute beauté et nous laisse tout vibrants de l’espoir de Wajdi Mouhawad de pouvoir garder ouvertes nos facultés d’enfance pour percevoir l’invisible.
une pièce d’Eric-Emmanuel Schmitt,
que nous avons eu le bonheur de rencontrer en personne après la représentation au Célimène. Une performance à deux acteurs incarnant deux personnages dont la relation nous intrigue d’une manière indéfinissable, jusqu’à ce qu’une série de coups de théâtre stupéfiants finissent par révéler la vraie raison qui les met en présence. Un jeu d’acteur remarquable, une progression dramaturgique où, quand les masques tombent, notre étonnement n’en finit pas de nous instruire sur les multiples retournements possibles de la vie de nos sentiments.
Petits crimes conjugaux cette autre pièced’ Eric-Emmanuel Schmitt qui honore également le festival 2013, contient les mêmes ingrédients :
duo d’acteurs remarquables et une série de coups de théâtre qui nous font descendre dans la psyché de ce couple comme pour une exploration des fonds marins pleine de dangers… mais quelle beauté à l’arrivée !
Voltaire vs Rousseau d'après un choix de textes de Voltaire et Rousseau, nous sommes encore avec un duo d’acteurs dans une succession de retournements d’ambiance où la confrontation emblématique entre les deux auteurs laisse distinguer à travers leur querelle ce qui ne serait que le recto et le verso d’une même vérité. Un remarquable travail de Jérôme Bru qui est le concepteur, le metteur en scène et qui interprète Voltaire. De la philo au théâtre : un mariage totalement réussi.
L'homme qui rit un conte dramatique
« La parole souffle et prend corps. Les acteurs trouvent l’accord de l’espace et du temps. Ce langage gestuel, c’est la parole qui s’incarne dans une sorte de langage universel que l’on comprend d’emblée. »
extrait de l’article de Claude KRAIF du 17 juillet dans Revue-spectacles.com
Hanna Arendt Exil Atlantique de
Un autre duo d’acteurs remarquables, prêtant un interlocuteur imaginaire à Hanna lors de son séjour à Lisbonne avant de s’embarquer pour les Etats Unis. (lire l’interview de l’auteur reproduite sur notre site).
La parole de la comédienne Théodora CARLA interprétant Hanna est exemplaire de cet « art de la parole » que nous venons d’évoquer dans notre commentaire de l’« Homme qui rit ». Et c’est d’ailleurs le cas de tous les comédiens dans ce choix de pièces dont nous voulons témoigner. C’est le cas aussi de l’actrice incarnant « Kassandra Fukushima »: Sophie Neveu dont l’élocution est saisissante du début à la fin : tous les mots vivent en habitant la phrase, ce qui fait tant de bien, en contraste avec d’autres comédiens malheureusement bien plus nombreux, qui font des phrases… dépourvues de mots ! Ce ne sont finalement que des pensées pas encore nées dans l’acte du langage.
Marie Tudor de
Revu à Avignon après son long passage au Lucernaire et qui s’est encore bonifié sur cette belle scène du théâtre de l’Oulle. Jeu impeccable des comédiens, faisant se succéder les tableaux dans un rythme admirablement soutenu, selon la mise en scène sobre et esthétique de Pascal Faber, donnant la part belle à cette passionnante dramaturgie d’Hugo : du grand théâtre !
Un récit absolument poignant par la bouche d’une « inconnue » : Louise, l’épouse de Jaurès, interprétée par
Pierrette Dupoyet, qui a reconstitué tout le contexte de l’événement grâce aux documents mis à sa disposition par la Fondation Jean Jaures. Toutes les palettes de l’évocation sont là, dans l’art
de conter de Pierrette. C’est sa dernière création qui bien sûr sera reprise à Paris pour l’anniversaire en 2014, auquel cette pièce rendra hommage dans une profonde qualité artistique, à la
mesure de ce que cet événement laisse en nous d’amertume et d’envie de faire revivre celui dont nous aurions tant besoin comme modèle.
Nous la suivons pas à pas dans les méandres de sa vie et goûtons sa façon si personnelle de parcourir le monde. Là aussi la mise en scène et l’interprétation de Pierrette Dupoyet fait des merveilles. Cet art de nous faire entrer dans une biographie est exemplaire.
Toc Toc
Six personnages en quête de leur psychiatre réunis dans la salle d’attente pendant que le médecin se fait longtemps, très longtemps attendre… leurs tocades respectives sont plutôt improbables mais elles sont en rapport avec de petites déviations que tout un chacun connait bien et qui sont amplifiées de telle sorte que pour les autres, cela ne peut passer inaperçu. Et c’est ce regard réciproque des uns sur les autres qui mêlera au comique indéniable une humanité touchante. Les six jeunes comédiens s’en tirent très bien.
Deux clowns musiciens dans une suite de numéros inénarrables où chaque geste engendre les métamorphoses les plus inattendues. Tout est matière à jouer entre eux, avec nous, avec les objets, avec les émotions… c’est le langage du jeu qui se sert de tout ce qu’il a sous la main pour nous faire entrer dans une danse perpétuelle, sans aucune fausse note, aucun faux semblant : c’est la vie même, telle que les enfants la connaissent. Une telle vérité dans la clownerie, c’est rare !
« Et les rêves prendront leur revanche »
De l’utopie poétique, parole vivante d’un espoir d’humanité recréé sur le champ social des ruines grecques, par une très grande interprète : Angélique Ionatos.
Elle imagine sa musique poétique au nom d'une société réinventée, interroge les poètes dans leur dimension idéaliste, levant le bouclier du rêve face à la barbarie sociale. « Ma langue est devenue ma patrie ; la seule qu’on ne pouvait pas me confisquer. Il était vital pour moi de l’aimer, la cultiver et la défendre. Paradoxalement, c’est en apprenant le français que j’ai pu découvrir la beauté de ma langue maternelle. »
A la fin de son concert, la salle s’est mise debout comme un seul homme, conquise par cette subtile alchimie des textes et de la musique qui ont opéré une sorte de fraternité ente la France et la Grèce
et aussi
Concert « bleu Azur »
Un voyage poétique et musical
Proposé par Mitchélée
evoyé le 25 juillet: Recommandations de Christophe Mory
Editions de la Librairie théâtrale, l’Oeil du Prince, Art & Comédie.
La Librairie Théâtrale
3, rue Marivaux 75002 Paris Tél : 01 42 96 89 42
"Merci pour ce beau choix, et aussi à ne pas manquer :
Building (Léonore Confino),
Brigade financière (Hugues Leforestier),
Racine par la racine (Serge Bourhis),
Yvonne reine de Bourgogne (Gombrowics),
King Lear Fragments
Nous ne sommes pas du même monde (Brigitte Massiot),
« A vol d’oiseau ça fait combien ».